S : Bonjour à tous ! Aujourd’hui nous allons parler de crises d’angoisse et de dépersonnalisation déréalisation, avec un invité : Killian. Salut Killian !

K : Salut !

S : Pour commencer, est-ce que tu pourrais nous parler un peu d’où tu viens, ce que tu fais dans la vie…

K : Je viens de Normandie, j’ai vécu là bas toute ma vie et je compte y rester, rires.
Pour l’instant je suis en formation pour devenir agent de sécurité. J’ai repris mes études l’année dernière en développement informatique, et c’est là qu’est survenu un gros problème des suites d’un incendie. ça a été compliqué derrière. J’ai pas eu “la force” de me relancer assez pour passer mes examens à la fin. Et là je me suis relancé, il me reste le diplôme à passer et je compte le faire prochainement.

S : Du coup tu as déjà un peu anticipé la prochaine question : donc la première fois que tu as vécu une crise d’angoisse c’était suite à un incendie, un événement un peu brutal ?

K : Ça c’est passé bien après même.
En fait sur le coup ça a été, même très bien. Sauf que ça engendre beaucoup de stress et d’anxiété parce qu’on a toujours peur que ça se reproduise, la moindre odeur, la moindre chose en rapport à ça fait monter la pression et elle est montée pendant 1 mois et demi. C’est là qu’est survenue la dépersonnalisation déréalisation.

D’après ce que j’ai pu voir, ça survient pendant un stress trop important pendant une trop longue durée, et c’est ce qui s’est passé et en gros le cerveau se met “en sécurité”, on ressent beaucoup moins les émotions voir presque plus du tout à certains passages, donc oui ça a été assez compliqué…

crises d'angoisse dépersonnalisation déréalisation

S : Donc tu décrirais la dépersonnalisation déréalisation comme une absence d’émotions c’est ça ?

K : Ben ça dépend des gens, certains n’en on plus du tout, moi je sais que j’en avais encore, en fait c’est vraiment une sensation bizarre, on a l’impression d’être en dehors de son corps, vraiment à l’extérieur, on est conscient de tout ce qu’on fait, on contrôle notre corps mais on a quand même cette petit impression très bizarre de ne pas être dedans et le pire ça a été quand même le voile, t’a l’impression d’avoir une vitre devant les yeux.

S : Oui je vois ce que tu veux dire. Tu interagis avec un monde un peu irréel en fait

K : C’est ça, alors que tu le connais très bien, t’es chez toi et tout et c’est ça le plus dur à se débarrasser. Après moi je m’en suis sorti, je m’en suis débarrassé très très vite. Après j’ai encore des “sensations bizarres” mais je sais de quoi ça vient. c’est la fatigue, en fait tout vient de la fatigue.

S : Ok, très intéressant ! Donc suite à une période de stress ininterrompue la dépersonnalisation déréalisation est apparue, les crises d’angoisse sont apparues à quel moment pour toi ?

K : En même temps. En fait c’est apparue dans la période de gros stress intense entre 1 et mois et demi. Et après ça se déclenche pour « n’importe quoi”. On a l’impression qu’on va mourir…

S : Alors justement, du coup comment tu décrirais une crise d’angoisse, qu’est-ce que tu ressens ?

K : Ça peut être de plusieurs façons, déjà c’est la peur. Ça tout le monde l’a chez les personnes qui font des crises d’angoisse. Après ça peut dépendre, ça peut être un mal quelque part, moi j’ai pas forcément mal, ça dépends je pense des gens surtout. Ça ne me fait pas vraiment de douleur quelque part. C’est plus une douleur qui me fait peur.
Après maintenant ça ne me fait quasiment plus rien. Mais ouais ça ne dure même plus très longtemps, allez 5 minutes et on n’en parle plus.

S : D’accord, très bien parce que chez certaines personnes une crise d’angoisse ça peut durer beaucoup plus longtemps genre ½ heure.

K : J’en ai fait une grosse et j’ai fini aux urgences. rire jaune

S : Oui, ça arrive souvent quand on ne comprend pas ce qui nous arrive.

K : Oui c’est ça.

S : Et pour les crises d’angoisse est-ce que tu as remarqué qu’il y avait un déclencheur juste avant ou pas forcément ?

K : Si il y a toujours un déclencheur, toujours, c’est obligé.
En fait j’ai une capacité de remise en question assez facile donc du coup ça m’a beaucoup aidé. En fait, j’ai tout analysé. À chaque début il y a une cause. Après je comprends que certaines personnes ne comprennent pas, parce que c’est pas forcément facile, mais il y a toujours un déclencheur, j’en suis quasiment persuadé à 100%.

S : Tu peux nous donner des exemples de situations qui t’ont déclenché des crises ?

K : Ça peut être un simple mal au doigt, mal à la poitrine par exemple, ou un bouton… une couleur de peau pas habituelle. Ça peut être vraiment n’importe quoi et ça peut dépendre des gens.

S : D’accord, donc tu arrives dans cette situation où tu fais de la dépersonnalisation déréalisation, des crises d’angoisse à certains intervalles, comment est-ce que ta vie a été ensuite affectée par ça ?
Est-ce que ça t’a beaucoup impacté ou alors il y a eu certaines périodes plus affectées que d’autres…

K : Comme je t’ai dis j’ai repris mes études, ça m’a impacté pendant 2 semaines mais c’était plus possible de rien faire en fait. Mais vraiment, j’étais couché dans mon lit pendant 2 semaines et après c’était fini. En fait c’est triste mais j’étais bien que dans mon lit. On a tous une zone ou on est mieux et moi c’était le lit.

S : D’accord, oui c’était comme un endroit où tu te sentais vraiment en sécurité et c’est tout.

K : C’est ça. Et par contre c’était un peu à l’inverse de ce que j’ai maintenant. Au début c’était la journée ou j’était mal et c’était le soir ou ça allait mieux.
Et maintenant c’est plus l’inverse. Quand je parle avec d’autres gens, la plupart du temps ça leur apparaît le soir parce qu’on est “seul” qu’il va faire nuit… et c’est souvent le soir que ça se produit et que les gens se sentent le plus mal. Parce que quand on est occupé la journée on n’a pas le temps de penser à la dépersonnalisation déréalisation.

S : Oui je comprends, on s’occupe l’esprit et on prête moins attention aux sensations de la dépersonnalisation déréalisation.

K : C’est ça. J’ai parlé avec plusieurs personnes qui en ont eu. Et le moyen de s’en sortir très rapidement, c’est de continuer sa vie le plus naturellement possible.

S : D’accord, très important effectivement. Et tu disais que ça a duré 2 semaines, est-ce que tu sais pourquoi ça s’est arrêté, ou est-ce que tu as fait quelque chose ?

K : C’est une amie concrètement qui m’a beaucoup aidé.
Une amie infirmière d’ailleurs. Qui avait bien compris que ça venait de ça mais qui n’avait pas voulu me le dire sur le coup. Donc j’ai fait des prises de sang parce que ça aurait pu être… d’ailleurs faut pas oublier que quand ça va vraiment pas il ne faut pas oublier d’aller voir un médecin, parce que c’est facile de mettre ça sur le coup de l’angoisse mais ça peut aussi être autre chose. Donc j’ai fait des tests et c’est là qu’elle m’a dit tu as un problème psychologique même si en réalité c’est pas un problème en soit. Et c’est là que j’ai réagi. C’était juste moi en fait, et c’est reparti de là que je me suis dit “C’est juste dans ta tête, continue ta vie !” Et c’est ce que j’ai fait et ça s’est bien passé derrière.

S : Ok, donc tu as pris la décision et tu t’es dit ; “Maintenant je sors de mon lit, c’est bon !”

K : Oui c’est ça, je me suis mis un coup de pied au cul et c’est parti !

S : Et là depuis tu disais que tu ressens encore de temps en temps de la dépersonnalisation déréalisation, et est-ce que tu fais encore des crises depuis ?

K : Oui, mais c’est surtout dû à la fatigue en fait, parce que la fatigue ça engendre énormément de choses. Je sais que j’ai des problèmes aux yeux, pas des problèmes graves, mais ça me fait cette sensation que j’avais à ce moment-là. Du coup j’avais l’impression que ça revient. Mais ça ne dure pas longtemps, une bonne nuit de sommeil et puis c’est parti.

S : Est-ce que dans ta vie d’aujourd’hui tu as mis en place des nouvelles habitudes ou des choses qui permettent de moins ressentir l’angoisse ou pour te sentir mieux ?

K : Non pas du tout parce que je la laisse venir en fait. C’est aussi un des moyens que j’ai trouvé pour m’en débarrasser en fait. C’est de la laisser venir et puis se rendre compte qu’au final c’est rien. Non, je n’ai pas changé mes habitudes de vie ou quoi que ce soit. Pas du tout même.

S : D’accord, en fait c’est ta façon de réagir à la peur qui a changé.

K : C’est ça , en fait c’est là que tu te rends compte que c’est pas dangereux. Moi après j’ai toujours aimé les sports extrêmes. Donc c’est ce principe là : tu as forcément peur, mais tu le fais quand même parce que tu sais que sur certaines choses tu ne risques pas grand chose. C’est affronter ses peurs tout simplement.

S : Très bien, super mentalité je trouve ! Et tu disais aussi que t’es d’un naturel stressé et que tu as fini par en faire une force. Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

K : Oui parce que je stresse pour pas grand chose à vrai dire mais je me suis rendu compte que le stress c’est un énorme allié sur certaines choses. Parce que le stress provoque une montée d’adrénaline et il faut savoir la prendre au bon moment.
Par exemple, je travaillais en cuisine, j’étais chef cuisinier, et forcément du stress on en a. Mais en fait ce stress là il y a des jours où ça ne va pas. rires. Tu fais tomber trois quatre assiettes dans le service et voilà. Ce que je veux dire par là c’est que du coup ça devient ta force parce que tu as le surplus d’adrénaline qui te fais travailler plus vite, mieux et avec moins de risques parce que si tes gestes sont beaucoup mieux maîtrisés, tu fais beaucoup plus attention à ce que tu fais dans la rapidité. que quelqu’un qui va travailler vite sans ce truc là, c’est pas facile à expliquer…

S : Je crois que je comprends, tu veux dire que le stress il te rends..

K : …pas plus fort mais meilleur dans ce que tu fais.

S : Oui, tu mets plus d’attention, plus d’habileté dans ce que tu fais.

K : Oui c’est ça, tu mets beaucoup plus d’habileté dans ce que tu fais. Et aussi avant un entretien d’embauche, je stresse beaucoup mais pendant zéro. Par exemple, j’ai passé un examen pour devenir agent de sécurité là, je stress beaucoup avant et pendant zéro. Ce qui fait que je me donne au mieux et généralement ça se passe très bien.
C’est ça qui est bizarre, je ne stress pas pendant la chose, je stressais avant, même après, mais jamais pendant l’action.

S : Très intéressant, et très bon message que le stress on peut s’en servir à son avantage !

K : Concrètement oui, c’est vraiment un très très gros avantage. Après il ne faut pas en avoir peur c’est tout. Après le stress est différent des angoisses par contre. Il faut bien séparer les deux choses.

S : Quelle est la différence pour toi ?

K : Ben l’angoisse c’est la peur de quelque chose de précis généralement. Comme je disais la plupart du temps il y a un élément déclencheur, pour certaines personnes plusieurs, mais pour moi c’est souvent le même. Alors que le stress ça peut vraiment être dû à n’importe quoi. Exemple tout bête quand on est en voiture et qu’une autre voiture nous coupe la route, on va avoir un stress intense qui va être rapide mais c’est du stress, pas de l’angoisse. Du coup tu peux avoir de l’angoisse après. Mais pour le moment, c’est du stress.

S : Je comprends, l’angoisse est comme une appréhension dans l’exemple que tu me donnes. OK donc aujourd’hui, les crises et la dépersonnalisation déréalisation sont toujours présentes mais tu sais les gérer par contre.

K : Je ne ressens quasiment plus la dépersonnalisation déréalisation.
Et les angoisses c’est comme j’ai dit, quand je fatigue. Beaucoup de gens font des crises à cause de leur corps. Et quand tu es fatigué, ton corps ne réagit pas de la même façon. Tu peux ressentir une douleur à la jambe, voir un changement de couleur de peau, comme une baisse de la vision. Justement j’en viens à mes problèmes aux yeux. C’est que j’ai les yeux très fragiles donc qui se fatiguent très vite et ça peut apporter cette façon bizarre de voir flou. Et ce n’est pas grave, c’est juste que les yeux sont fatigués et qu’ils ont besoin de repos. Et le corps c’est pareil. C’est pour ça qu’après une bonne nuit de sommeil généralement c’est reparti !

S : D’accord. Une question qui intéresse beaucoup en général les gens qui font de la dépersonnalisation déréalisation c’est combien de temps ça peut prendre pour s’en débarrasser. Toi si j’ai bien compris c’était deux semaines ? Ou tu en a eu encore un peu après ?

K : Alors, j’en ai eu après. C’était vraiment les deux semaines les pires. Mais sinon j’ai mis un mois, un mois et demi.

S : Ok super. C’est relativement rapide par rapport à d’autres histoires que j’ai entendues.

K : Ben j’ai repris ma vie le plus naturellement possible. Après j’ai encore des traces. Mais je ne les compte même pas parce que c’était infime.

S : Super. Et bien, merci beaucoup pour ton histoire. Est-ce que tu aurais un conseil en particulier à donner aux gens qui seraient dans la même situation ?

K : Tout simplement continuer sa vie le plus naturellement possible. Et éviter les cachets. Parce que, moi déjà il était hors de question que j’en prenne.

S : Tu n’as pas essayé du tout ?

K : Non, non, non c’était vraiment hors de question. Déjà moi je ne suis pas cachets de base même pour un mal de tête. rires. Et c’est surtout un cache misère. Parce que j’ai pu discuter avec des gens qui en prennent, ils vont en prendre pendant un an, deux ans, déjà ça va être dur d’arrêter selon les médicaments et généralement ça revient derrière. Je suis d’accord qu’il y a des personnes qui vont forcément en avoir besoin plus que d’autres. Mais il faut vraiment s’en sortir sans parce que c’est un cache-misère. C’est tout ce que ça fait. C’est mon humble avis, mais voilà.

S : Très bien, ben merci du conseil. En tout cas merci pour ton témoignage Killian, j’espère que ça va inspirer beaucoup de gens, motiver et surtout donner de l’espoir face aux crises et à la dépersonnalisation déréalisation. Il ne faut pas lâcher, pas abandonner.

Et pour les personnes qui souhaitent aller plus loin, je peux vous envoyer des conseils anti-anxiété et crises d’angoisse par mail.

Merci encore, et prenez soin de vous !

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